jeudi 19 mai 2011

Pour un débat sur les questions de construction et de fonctionnement

La crise du NPA n’est en son sein un mystère pour personne et le 1er congrès de notre parti, loin d’y avoir remédié, en a encore accentué les traits (Voir notre texte : « Pour remettre le NPA sur les rails de son projet fondateur »). Symptôme de cette crise : deux ans seulement après leur adoption, les textes fondateurs du NPA sont déjà devenus un « héritage sans mode d’emploi », puisque chaque tendance ou presque s’en réclame, trouvant dans ces textes ce qu’elle veut bien y chercher. 

Il serait puéril de ne voir dans cette crise que le produit de carences personnelles, et insuffisant d’en réduire la portée à des conditions objectivement difficiles. Il faut donc de manière urgente en rechercher les causes et les moyens d’en sortir et, pour cela, faire le bilan de 2 ans de construction du NPA en revenant sur le projet initial. Dans les discours prononcés par Olivier de l’été 2007 à la fondation du NPA en janvier 2009, deux nécessités revenaient fréquemment concernant ce nouveau parti que nous voulions construire : il devait reprendre « le meilleur des traditions du mouvement ouvrier » et se montrer ouvert à tou-te-s, particulièrement à celles et ceux qui – dans les entreprises, les quartiers populaires et la jeunesse – résistent au quotidien mais n’ont pas trouvé jusque là de parti où s’engager. 

C’est cette double promesse initiale qui a permis, dans un premier temps, de rassembler nombre de militants issus de traditions politiques très diverses, ou d’individus sans expérience militante mais décidés à se battre ensemble contre le capitalisme. Or, force est de reconnaître que le NPA n’a pas su faire face à cet afflux militant, rapidement épuisé d’ailleurs. Pire, le 1er congrès a largement reconduit un noyau dirigeant qui n’a fait aucun bilan de son action, auquel aucun mandat clair n’a été assigné, et qui est issu pour sa grande majorité du noyau dirigeant de l’ex-LCR. Obtenue dans des conditions bien peu démocratiques, cette autoreproduction devrait nous interroger quant au fonctionnement interne de notre parti, qui n’est tout simplement pas parvenu à faire émerger de nouvelles figures dirigeantes (ayant notamment fait leurs preuves lors du mouvement social de l’automne). Au passage, il n’est pas anodin que les statuts du NPA, votés lors du congrès fondateur, soient encore « provisoires » et n’aient fait l’objet d’aucune discussion lors du 1er congrès. 

Structuré en outre autour de tendances largement héritées de la LCR, notre parti est engagé dans un débat d’orientation permanent qui favorise les bretteurs, dont les discours bien rôdés ne sont d’ailleurs pas toujours suivis d’actes militants, et tend à faire de notre parti une coalition de coalitions. Ce fonctionnement en tendances demeure peu compréhensible pour la grande majorité des nouveaux militants, qui ne parviennent pas à s’approprier des débats où règne la manie de la démarcation à la virgule près (plutôt le pire que le meilleur des traditions d’extrême-gauche). Il privilégie l'affrontement sur des plates-formes à la collaboration sur une construction commune et n'est pas en soi une garantie de démocratie. Surtout quand cela revient à privilégier ceux qui se sont investis dans la construction de ces courants, souvent au détriment d'un travail militant de terrain. Nous ne sommes évidemment pas hostiles à l'existence des tendances, mais nous aspirons à la limitation de leur action sur l'élection des directions, qui doivent représenter le travail militant réel (construction et animation des comités, des départements et régions, animation des commissions nationales), et pas seulement le discours sur ce travail. 

S’impose donc un débat impliquant l’ensemble du NPA concernant les questions de construction et de fonctionnement. Or, deux illusions (qui sont deux raccourcis) empêchent pour l’instant la tenue de ce débat :
            - ces questions ne seraient pas politiques mais purement techniques, et il suffirait d’adopter la « bonne orientation » pour sortir de la crise du NPA, chaque tendance prétendant détenir cette orientation miracle.
            - la candidature d’Olivier permettrait de résoudre la crise du NPA, en remettant le parti en ordre de marche, en stoppant l’hémorragie militante et en attirant de nouveaux adhérents. 
Sur le premier point, peut-on soutenir sérieusement qu’il est plus politique, dans une organisation qui affirme à juste titre la priorité des luttes sociales sur les échéances électorales, que des centaines d’heures de débat soient consacrées à la question de nos alliances… électorales ? Ces deux dernières années ont au moins montré, si on l’ignorait, que construire un parti anticapitaliste de masse constitue une tâche extrêmement difficile, et ce malgré un mouvement social d’ampleur historique. S’interroger collectivement sur le bilan, les conditions et les modalités de cette construction devrait donc constituer pour nous une priorité politique. Quant au second point, que l’on soit en faveur ou non d’une troisième candidature d’Olivier à la présidentielle, celle-ci ne pourra au mieux que suspendre la crise de notre parti, liée en bonne partie à l’absence de bilan et de discussion collective sur les questions de construction et de fonctionnement. Au demeurant, il n’est pas du tout certain que le parti puisse dans l’état actuel se rassembler suffisamment pour aller chercher les 500 signatures et, si cette campagne s’avérait un succès impulsant une dynamique militante, les mêmes questions se reposeraient de toute façon avec encore plus d’acuité. 

La conférence nationale de juin sur les présidentielles ne doit donc pas être une énième (et inutile) confrontation de tendances mais permettre de poser ces questions. Nous demandons notamment que des règles de fonctionnement soient définies pour organiser :

1. La rotation et la révocabilité des mandats, dont le principe figure dans nos statuts provisoires, ainsi que le fonctionnement en travail coopératif, permettant la formation de nouveaux dirigeants dans l'ensemble des instances de l'organisation. 

2. La représentativité du CPN en fonction des tâches réelles et de l’implantation militante, ainsi que l'élection des personnes sur la base de mandats clairs sur lesquels un bilan pourra être fait. De ce point de vue, la question des collèges se pose pour une représentation réelle des régions en fonction de leur nombre de militants, de la représentation des secteurs, et des tâches centrales (un tiers des membres du CPN sont issus de deux départements : le 75 et le 93). 

3. Le fonctionnement des plates-formes. Que le droit de tendance soit pleinement assuré à l’occasion  des congrès est une nécessité démocratique. Mais ces tendances doivent-elles structurer l’organisation de manière permanente entre deux congrès, avec toutes les dérives que l’on a notées plus haut, et la direction doit-elle seulement refléter le rapport de forces entre tendances ? 

4. Les relations entre le CE, le CPN et les commissions. Celles-ci doivent être redéfinies (ou plutôt définies) pour que le CPN ne soit pas uniquement une chambre d'enregistrement des décisions du CE, mais l'instance qui définisse véritablement les orientations entre deux congrès. Par ailleurs, pour que la richesse de l’élaboration des commissions soit utile au CPN, il faudrait que chaque commission puisse y mandater l’un de ses membres. Ainsi chaque commission pourrait suivre les débats et apporter sa contribution selon l'ordre du jour.

5. Le système de communication du parti, des tracts nationaux jusqu’à la revue en passant par l’hebdo et les brochures, qu’un bon nombre de camarades ne sont pas parvenus à s’approprier et qui ne semble pas pour l’instant répondre aux défis qu’appelle la création d’un nouveau parti. 


Ugo (avril 2011)