samedi 21 mai 2011

De l'ABC de l'anticapitalisme à 1, 2, 3, 4 : on prend les mêmes et on r'commence ?


Quelques enjeux du congrès et de son bilan

Dimanche soir 13 février, à la clôture du congrès du NPA, nous avons présenté avec Sandrine de Lyon une motion (non soumise au vote) posant le problème d'un fonctionnement exclusivement organisé autour des plateformes et des tendances, et de ses conséquences pour la structuration des débats dans le NPA et la représentation des camarades qui ne s'y retrouvent pas. Le petit succès d'estime et les applaudissements ont semblé révélateur de ce que le ras-le-bol que nous exprimions entrait en résonance avec le sentiment général d'un certain nombre de congressistes. Dans une situation de blocage des discussions politiques, de verrouillage et de rétrécissement de la direction du NPA, à l'issue d'un congrès (au mieux) pour rien, ils semblaient dire « plus jamais ça », et se demander un peu sonnés, « mais comment en est on arrivé là ? ».

Pour essayer de comprendre la logique de cette situation, il peut-être utile de se demander – même un peu tard – quels auraient pu être les enjeux réels du premier congrès du NPA, et si nous n'avons pas raté collectivement quelque chose sur cette question.

Avant le congrès, les choses semblaient claires. Il s'agissait pour un NPA divisé et à la direction affaiblie, de retrouver une cohérence politique dans le débat d'orientation et de régler sa crise de direction par une recomposition des positions au sein du CPN/CE autour soit d'un élargissement de la 1, soit d'un axe majoritaire qui aurait pu être 1-2 ou 1-3 selon les préférences de chacun-e des camarades. Une solution parfaite dans la meilleure des traditions de la 4ème internationale en quelque sorte, et en parfaite cohérence avec la manière dont se sont déroulées les discussions préparatoires au congrès. C'est cette logique là qui s'est trouvée en échec. Non pas, ou pas seulement en tout cas, par la mauvaise volonté des un-e-s ou des autres, encore moins par l'expression ultra marginale des quelques un-e-s qui la contestaient, mais tout simplement peut-être parce le NPA n'est pas la LCR. Les fonctionnements, les codes, les pratiques qui n'avaient pas besoin d'être interrogés dans la Ligue parce qu'ils faisaient parti du socle commun et de l'expérience collective et acceptée de la très grande majorité des camarades ne marchent tout simplement plus et mènent dans une impasse.

L'autre versant de cet échec, bien plus dramatique en fait qu'un congrès raté, c'est le bilan des effectifs du NPA. Passe encore que pour la galerie et la presse on en positive l'interprétation. Mais discutons sérieusement entre nous. 3 550 votant-e-s dans les assemblées générales électives c'est un résultat très mauvais et très inquiétant qui devrait être le centre de nos discussions de bilan. Admettons même que, comme nous le prétendons dans le communiqué de résultat des AG électives locales, cela corresponde à un effectif réel de 6 000 membres. Cela signifie alors que moins de 60% des camarades se sont investi dans les discussions du premier congrès, un taux de participation inférieur à celui de la plupart des élections bourgeoises dans ce pays ! Sur les près de 10 000 membres fondateurs du NPA, presque les 2/3 ont donc soit carrément quitté le parti soit n'y ont pas trouvé leur place au point de n'avoir pas pu s'approprier les débats politiques et de s'en être retirés... ce qui à mon sens revient quasiment au même.

Des camarades ont fait aux questions que nous portions au congrès avec Sandrine le reproche de séparer discussion de fonctionnement et politique et, en mettant l'accent sur la première, de dépolitiser le débat. Il me semble que c'est l'inverse qui est vrai. La discussion sur les pratiques nous oblige à remettre au centre de nos préoccupations des questions fondamentales sur le projet même du NPA et ses enjeux, questions que la discussion d'orientation telle qu'elle s'est déroulée depuis deux ans a largement occultées et qui ont été en tout cas les grandes absentes du congrès comme de sa préparation.

À moins de se résoudre à ce que le NPA continue à se rétrécir quantitativement comme qualitativement vers son noyau trotskyste en rejetant progressivement tout ce qui est hétérogène et hétérodoxe en son sein, il me semble indispensable de se saisir largement de ces questions. J'espère que ce texte y contribuera modestement.

Le NPA de A à … 4

Le premier congrès du NPA n'aura donc pas réussi à sortir des logiques d'affrontement de plateformes qui ressemblent de plus en plus à des tendances ne disant pas leur nom et autour desquelles s'articule toute la discussion politique interne. Vu la manière dont le CPN a été constitué, on a toutes les raisons de ne pas être très confiant dans un changement rapide en la matière...

Cela pose de graves problèmes pour le fonctionnement démocratique du NPA. D'abord parce que cela signifie que la source de la légitimité politique et les cadres d'élaboration se déplacent des comités et des structures collectives du parti vers les tendances. Nous le disions dans la motion présentée au congrès et je n'ai pas un mot à y modifier aujourd'hui : « de nombreux-ses camarades ne se reconnaissant pas, ou pas complètement, dans les tendances existantes, et se retrouvent ainsi écartés du débat ou forcé-e-s de faire un choix par défaut qui ne les satisfait pas. (...) Ainsi, de nombreux-se camarades se retrouvent invisibles, sans poids sur les débats et décisions du parti. Pourtant les statuts précisent que « nous voulons construire une organisation où chacun, chacune, puisse trouver sa place à l'égale de tous les autres... ». J'ajouterai simplement que je me demande de plus en plus si ces camarades invisibilisés et mis à l'écart ne représentent pas la seule majorité réelle du parti...

Il y a une deuxième dimension à cette question démocratique. Le fonctionnement de nos plateformes, comme d'ailleurs l'ensemble des modalités du congrès et de la discussion préparatoire ont été repris sans discussion et sans autre forme de procès de l'existant de la LCR. Calcul ou simplement parce que ça existait, qu'il n'y avait pas vraiment d'autre proposition et qu'on savait le faire ? Peu importe. Cela signifie une énorme inégalité entre celles et ceux pour qui les règles du jeu font partie d'un capital politique commun, accepté et maîtrisé, et les autres qui non seulement les découvrent au fur et à mesure mais, en plus, doivent les prendre tels quels sans espace possible de discussion et de remise en cause. Cela veut dire aussi que pour cette raison même, cela ne marche pas. Différents modes de fonctionnement démocratique peuvent exister, ils présentent chacun des avantages, des inconvénients, des limites et des possibilités qu'il faut discuter. Mais en tout état de cause, ils ne peuvent fonctionner que sur la base d'un accord partagé, explicité et accepté sur ce qui est légitime et ce qui ne l'est pas, et cet accord aujourd'hui n'existe pas dans le NPA. De nombreux-ses camarades pensaient que des recompositions dans la 1 permettraient au cours du congrès l'émergence d'un nouveau pôle majoritaire. Il y a probablement bien des raisons pour lesquelles cela n'a pas eu lieu mais il me semble en tout cas qu'une négociation de courant pour une recomposition au sommet en cours de congrès, qui aurait été légitime dans la LCR, aurait été vécue comme un profond – et supplémentaire – déni de démocratie par bien des camarades qui n'avaient pas voté pour cela dans leurs AG locales, toutes positions confondues d'ailleurs.

Bien sûr l'existence des plateformes du NPA recouvre de réelles questions politiques qu'il ne s'agit ni de nier ni de minorer, pas plus qu'il ne s'agit ici de contester la légitimité des plateformes, des tendances ou des courants en général. Mais la manière dont elles se sont constituées et dont la discussion s'est déroulée depuis 2 ans a de lourdes conséquences politiques.

Les regroupements qui se sont cristallisés au moment du débat sur les régionales n'ont que peu évolués depuis. ABC est donc devenu 123+4 et les clivages sont restés construits essentiellement sur le rapport aux élections... que, avec certes quelques nuances, la grande majorité des camarades sont d'accord pour dire tactiques et secondaires. Bien sûr, les textes d'orientation parlent aussi d'autres choses et dans une certaine mesure dessinent des profils de partis différents. Mais combien de camarades ont dû choisir leur vote malgré le contenu des textes sur tout un tas d'aspects de toute façon très peu explicités et très peu discutés ? Combien l'ont fait au final parce qu'ils pensaient soit qu'il fallait bien trancher pour aller vers 2012 et que c'était bien là le principal choix offert par les textes d'orientation, soit par élimination sur le principe du moins pire ? Et combien de camarades ont dû choisir en ayant le sentiment de participer à  un affrontement fratricide évitable si la discussion avait été construite autrement ?


Rapports politiques, logiques d'appareils et rapports de pouvoir

La logique du débat de tendance contient sa propre dynamique toujours problématique qui pousse à chercher le clivage, la délimitation et la construction du rapport de force plutôt que la construction commune et la remise en cause. Cela ne veut pas dire qu'elle ne présente que des inconvénients. Elle est aussi dans certaines situations la manière dont peuvent s'exprimer des points de vue différents et se construire des expérimentations. Comment gérer cette contradiction ? C'est ce qui devrait être discuté largement si nous avions le souci de prendre collectivement en main la construction de notre vie démocratique.

Mais il me semble que la question des tendances n'est pas séparable d'une problématique plus large sur les fonctionnements et les pratiques militantes. Prendre le meilleur des traditions du mouvement ouvrier, cela ne peut pas se résumer seulement à ré-ouvrir des aspects limités de la discussion programmatique. Cela doit vouloir dire aussi questionner notre héritage en termes de fonctionnement et de mœurs et c'est peut-être sur ce terrain que se trouve justement le pire de nos traditions, un « pire » que nous nous condamnons à reproduire si nous ne l'interrogeons et ne le critiquons pas.

Il n'y a jamais eu dans l'extrême gauche de bureaucratie, pas en tout cas dans le sens que donne à ce mot l'analyse trotskyste traditionnelle, pas au sens où on critique la bureaucratisation des appareils staliniens ou des organisations syndicales. La base matérielle – des privilèges sonnants et trébuchants à préserver – n'en existait pas, pas plus bien évidemment qu'elle n'existe dans le NPA. Cela n'a pas empêché pour autant les logiques d'appareils et de pouvoir avec des conséquences politiques – sectarisme, dogmatisme – et organisationnelles dévastatrices.

Ces mécanismes traversent l'organisation à tous les niveaux et s'expriment dès que les rapports entre camarades cessent de se construire comme des rapports politiques entre militant-e-s autonomes et égaux, décidant en toute indépendance des formes et du niveau de leur engagement, par exemple dès que s'exercent pressions morales, culpabilisation ou fonctionnement « à l'affectif », rapports personnalisés ou d'autorité, dès qu'apparaît une distinction entre ceux qui savent et ceux qui suivent. Les dynamiques de groupes construisent alors des solidarités apolitiques ou faussement politiques, blagues et rapports personnels constituent innocemment le eux et le nous, et les marqueurs identitaires remplacent discussion politique et réflexion autonome.

Sur cette base, se développent les logiques qui, à tous les échelons, des comités à la direction nationale en passant par les commissions, verrouillent et institutionnalisent les positions de pouvoir. Se renforcent également le poids des groupes constitués et des appareils issus comme extérieurs à l'ancienne LCR. Nos tendances elles-mêmes sont toutes déjà des coalitions de ces groupes, continuant, avec certes quelques nouveautés et retournements, les alliances entre courants issus ou proches  de l'ex-LCR. Les rapports de forces se construisent à la fois au sein des tendances pour définir les règles de la cohabitation et entre elles pour assurer le partage des zones d'influences dans le parti. Le NPA se structure dans la négociation permanente entre ces groupes, sa direction fonctionnant plus pour s'auto-reproduire comme point d'équilibre dans ces rapports de force que comme porteuse d'une politique issue d'une véritable élaboration collective et démocratique du parti.

Quand la préservation de l'appareil et la consolidation des positions de pouvoir deviennent un enjeu et une fin en elles-mêmes, le groupe finit par tourner essentiellement autour de sa propre reproduction. La nécessité de l'homogénéisation prend le pas sur les dynamiques d'émancipation, les pressions morales remplacent les rapports politiques et la construction du même tue toute forme d'autonomie individuelle dans l'activité militante. Il me semble que ces logiques sont non seulement au cœur de l'échec de l'extrême gauche de la deuxième moitié du vingtième siècle mais encore responsables d'un gâchis humain et militant colossal. Que la LCR ait été celui des trois courants trotskystes françaises qui ait de loin le moins mal résisté à ce phénomène (et je le dis avec l'expérience de 12 ans de LO...) n'en protège pas pour autant le NPA et ses divers sous-courants...


Fausses ouvertures ou vraies remises en question ?

L'état de la discussion politique depuis deux ans et encore pour ce congrès est par bien des aspects un reflet de cette situation. Trop souvent, les textes à clés, inaccessible au fond pour le commun des camarades, sont plus le reflet de négociations d'influences que d'une réelle discussion politique s'adressant à l'ensemble du parti. On y trouve la petite phrase qui fait plaisir à chacune des composantes de la tendance et les spécialistes en trotskologie pourront les disséquer pour lire entre les lignes comment l'évolution des formules reflète celle des rapports internes entre les groupes qui composent les plateformes. Dans le parti, ces textes servent bien plus à cliver et à comptabiliser des rapports de force qu'à élaborer ou à chercher des dynamiques collectives larges.

Les réflexes d'appareils et les logiques de groupes construisent un mode de discussion où il vaut mieux affirmer que questionner, se replier sur ses fondamentaux, regrouper et resserrer les rangs plutôt que remettre en cause et douter. La conséquence en est un débat politique dérisoire, sans originalité et sans remise en discussion des questions fondamentales. On assiste finalement à une guerre de tranchée avec escarmouches régulières pour des positions de détail montées en épingle, un espèce de match au point sans grand intérêt qui laisse une grande partie des camarades un peu groggy et surtout... spectateurs. On réussi l'exploit d'avoir un débat à la fois très clivé et qui pourtant évite soigneusement les véritables questions.

Il y avait pourtant à la naissance du NPA et pendant tout le déroulement de son processus constituant une vraie promesse d'autre chose, d'une volonté de « faire de la politique autrement ». Cette affirmation reposait-elle sur un quiproquo ? Quand nous affirmions notre volonté de ne pas fermer les questions, de ne pas apporter un programme clé en main et de travailler à réunir « le meilleur des traditions du mouvement ouvrier », s'agissait il bien d'entrer dans un processus de re-discussion, de refonte, de questionner au fond nos histoires pour commencer à poser collectivement ce qui pourraient être les bases théoriques, programmatiques autant que pratiques d'un socialisme adapté aux réalités du 21ème siècle ? Ou au contraire, s'agissait-il d'ouvrir suffisamment d'ambiguïtés pour attirer des camarades nouveaux et d'horizons divers avant de pouvoir les convaincre de ce que, bien sûr, au fond, « le meilleur des traditions du mouvement ouvrier » ce sont les idées les réponses et les pratiques que nous portons depuis toujours ? En gros, s'agissait-il d'enclencher une dynamique suffisamment large pour casser nos propres cadres et travailler à la transformation qualitative de nos propres paradigmes ou d'élargir quantitativement ce qui était la base de la LCR et de travailler à la transformation... de celles et ceux qui nous ont rejoint et qu'il faut convaincre que nous avions, que nous avons et que nous aurons inévitablement raison ?

Ma conviction est que c'est la première de ces réponses qui correspond aux exigences de la période comme aux attentes des quelques milliers de camarades qui ont rejoint ou ont regardé vers le NPA depuis d'autres horizons que ceux du trotskisme. C'est par contre la seconde qui semble se dessiner comme une perspective d'échec dramatique tant dans les pratiques que dans les discussions des deux premières années du NPA et particulièrement dans le resserrement qui marque ce congrès.

Pourtant de quel bilan historique dispose le courant dont nous sommes issus (je veux dire moi venant de LO comme la plupart des militant-e-s venant de la LCR ou d'autres obédiences trotskistes) pour être si fier et si affirmatif sur la justesse de ces pratiques et de ces fondamentaux ? Depuis au moins le déclenchement de la seconde guerre mondiale, c'est à dire en plus de 70 ans, à aucun moment il n'a réussit à se mettre en situation de peser le moindre poids sur quoi que ce soit ou d'intervenir en quoi que ce soit dans le cours mondial de la lutte de classe – qui ne s'est pas arrêtée pour autant, elle, heureusement. Nous sommes passés à côté des révolutions coloniales comme de la plupart des révoltes ouvrières et, si nous avons été comme des poissons dans l'eau (tiens, déjà) et avons largement profité de mai 68 et de la période qui a suivi en France pour nous développer, nous y avons joué un rôle négligeable ou en tout cas pas dirigeant de quoi que ce soit. Nous ne sommes pour rien dans la chute des régimes staliniens à l'est et les révolutions du monde Arabe aujourd'hui se font sans nous, ce qui ne nous empêche pas d'ailleurs d'avoir parfois plein de bons conseils et de leçons à leur donner. Sur le terrain politique, nous n'avons anticipé et impulsé ni l'émergence des problématiques écologiques ni celle des mouvements féministes ou des sexualités et même leur prise en compte aujourd'hui est pour le moins limitée. Certes sur ces derniers terrains, la LCR a un bilan moins catastrophique que ses cousines  du POI ou de LO. Certes nous avons joué un rôle dans le déclenchement du mouvement contre le CPE et tou-te-s les militant-e-s issus du courant LO se souviennent encore avec émotion de la grève Renault de... 1947. Mais soyons sérieux.

En 70 ans aucun de nos courants – et pas plus ceux dont c'est la priorité et la raison d'être affichée – n'a réussi à s'implanter et à gagner une influence significative dans des secteurs notables de la jeunesse ou de la classe ouvrière, sinon de manière épisodique et quasiment exclusivement à travers l'étiquette syndicale. Mais cela ne nous empêche pas de continuer à affirmer la priorité de l'intervention et de l'implantation ouvrière... en n'ayant pas grand chose de neuf à proposer que ce qui échoue depuis presque trois quart de siècle.

Il ne s'agit ici ni de se flageller, ni de jeter les bébés avec l'eau des bains, ni d'affirmer que tout est périmé et inutilisable, bien au contraire. Ce bilan est largement celui de tous les courants de l'extrême gauche et il est le reflet d'une crise globale de l'ensemble du mouvement ouvrier. Mais il signifie par contre que nous avons devant nous une vraie tâche de remise en cause et en question fondamentale. Cela signifie aussi que nous devrions intégrer profondément que nous n'avons de leçon à donner à personne et que toutes les expériences sont légitimes à égalité de considération, y compris à l'intérieur du NPA. Cela, enfin, devrait nous convaincre que nous avons beaucoup plus de questions à poser que de réponses à apporter et qu'il y a un problème à ce que nos textes contiennent plus de point d'exclamation que de points d'interrogation !

Le bilan des discussions politiques des deux premières années du NPA est très loin d'être à la hauteur de ces enjeux. Les questionnements ne manquent pas pourtant qui pourraient féconder à la fois discussions théoriques, renouveau des pratiques, dynamiques de construction et intervention dans les luttes. Comment réfléchir en profondeur l'articulation des formes d'auto-organisation et notre nécessaire intervention dans un syndicalisme profondément bureaucratisé ? Comment penser l'apport des pensées critiques extérieures au marxisme ou hétérodoxes, qu'il s'agisse des courants intellectuels de la sociologie, de la philosophie, des théories féministes et du genre, de l'écologie radicale ou des critiques de l'universalisme ? Comment intégrer les questionnements sur l'articulation et le croisement des dominations et les traduire en pratique dans l'articulation de nos engagements et de nos luttes ? Comment surmonter les vieilles divisions des mouvements ouvriers et révolutionnaires et s'enrichir des expériences libertaires, autonomes, et, par exemple, de leurs critiques de la forme-parti et des pratiques anti-autoritaires ?

Ces préoccupations existent dans le NPA. Certaines sont portées dans des commissions, dans des cercles restreints ou par des camarades individuellement. Mais elles n'irriguent pas le débat large du parti. Le seul embryon d'une démarche dans ce sens a été le texte sur nos réponses à la crise, le seul d'ailleurs à avoir recueilli une vraie majorité dans les votes. Mais à cette exception près, n'est-il pas dérisoire au regard de notre projet que nos principales discussions aient été un mauvais remake du débat réforme / révolution de 1898, des enjeux de cuisine électorale et un débat laïcité voile religion tellement mal posé qu'il ne pouvait que cliver plus que faire bouger des lignes ?

Le NPA sort de son congrès sans majorité, avec une direction non seulement encore moins légitime que dans la période précédente mais aussi beaucoup moins ouverte et représentative de la réalité du parti. Mais le parti lui est, me semble t-il, encore vivant. Le projet est de toute façon plus d'actualité que jamais et il n'est pas question de l'abandonner en chemin. Mais il est en grande difficulté et je suis convaincu que nous n'en sortirons pas en revenant aux vieilles recettes mais au contraire en faisant appel à tout ce qu'il peut compter de divers et d'iconoclaste. Pas en cherchant des majorités de raison mais en remettant en question, pas en resserrant les rangs mais en les ouvrant et en cherchant à être le creuset, le croisement et le forum permanent de toutes les expériences.

Pascal (comité personnels des facs Paris 13)